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Un gin façon « eau de nuit » intense et parfumée

Le gin est-il un parfum qui se boit ? Pour un distillateur, c’est en tout cas la promesse d’une création presque sans limite : sur une base de baies de genièvre, la catégorie permet toutes les extractions d’agrumes, de fleurs, de bois et d’épices possibles. Sans doute est-ce la raison pour laquelle de plus en plus de marques mettent en avant – souvent exagérément – le côté « parfum » de leur breuvage.
Mais, parfois, la comparaison est justifiée, comme avec Seventy One. Soit un élégant flacon rectangulaire contenant un jus légèrement ambré. Sur l’étiquette, la mention « Eau de nuit » laisse à penser que l’on a affaire à un parfum de luxe. Il faut plisser les yeux pour parvenir à lire « gin » et comprendre que le jus en question n’est pas destiné à être aspergé sur la peau.
A l’origine de ce produit, on retrouve Mert Alas, moitié du duo de photographes de mode Mert & Marcus. Le Londonien a mis son expertise et sa vision artistique au service de ce packaging malin. Mais la nouveauté ici repose sur le contenu, à savoir un gin que l’on peut déguster seul quand la plupart des références présentes sur le marché nécessitent l’ajout d’un tonic pour être appréciées. « Mert est venu me voir avec une idée bien précise : créer un gin que l’on puisse siroter comme on le ferait avec un cognac, un whisky ou une vodka d’exception », raconte Steve Wilson, maître distillateur de Seventy One. Séduit par le projet, le Britannique, fort de plus de quarante ans d’expérience et de nombreuses créations (Bombay Sapphire, Tanqueray Ten, Johnnie Walker, etc.), accepte de relever le défi.
Quatre années de recherches et pas moins de six cents essais ont été nécessaires à sa conception. « Lorsque vous créez quelque chose qui n’existe pas encore, vous ne devez pas avoir de limite de temps », se justifie Mert Alas, qui a profité du Covid pour s’impliquer dans les différentes étapes du projet. A commencer par le choix des ingrédients – rose de Damas, écorces de citron et de pamplemousse de la côte turque, baies de genièvre de Serbie, feuilles de lierre d’Albanie… –, inspirés de ses voyages et de sa Turquie d’origine.
« En tant qu’artiste, vous accumulez des souvenirs, des odeurs et des goûts tout au long de votre vie et je suppose qu’ils apparaissent naturellement dans votre travail », explique-t-il. Très vite, Mert Alas et Steve Wilson comprennent que pour tirer le meilleur de chacun de ces précieux ingrédients un traitement spécifique est nécessaire.
Sur les conseils du parfumeur Dominique Ropion, ils décident de distiller séparément les plus rares d’entre eux pour en faire des absolus, qui sont ensuite assemblés. Pour adoucir le spiritueux sans rien perdre de la délicatesse de ses arômes, l’assemblage est vieilli pendant seulement soixante et onze jours dans trois fûts différents : chêne européen neuf, cognac et pedro ximénez.
Un dernier ingrédient botanique extrêmement rare est utilisé : la reine de la nuit, un cactus du Mexique qui ne fleurit qu’une fois par an, en été, et seulement lorsque le soleil s’est couché. Spécialement cultivée par un producteur britannique, la fleur est distillée et ajoutée avec parcimonie sous forme d’absolu à la fin du processus. Doux et rond, le nectar obtenu – vendu à un prix cinq fois supérieur à un gin classique – révèle de riches notes d’épices, de tonka et de truffe. Une complexité qui n’a besoin de rien, si ce n’est d’un glaçon, pour se révéler au palais.
Sébastien Jenvrin
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